vendredi 23 septembre 2011

118

.



" Il y a eu rupture, il est monté sur sa tour, un œil après l’autre, il regarde et les herbes et les roseaux et l’eau verte, si verte, si pleine, les taureaux noirs qui dorment, les arbres secs les pieds dans l’eau morte, tout est mort ou dort, et morne, il promène un œil et puis un autre, sur ce royaume, les oiseaux blancs un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit, neuf, dix, onze, douze, treize, quatorze, quinze, seize, dix sept, dix huit dix neuf, vingt, vingt oiseaux blancs volent au ciel, les taureaux pleurent, le chien suffoque, et le cadastre n’est pas rempli, il faut encore arpenter, arpenter et compter et il voit les chevaux blancs, les chevaux blancs crinière au vent, la queue qui flotte, les vingt oiseaux se sont posés, vingt oiseaux, vingt taureaux, le sureau les pieds dans l’eau, les arbres secs et morts les pieds dans l’eau, cette eau si verte et si pleine, si pleine de miasmes, si pleine d’horreurs, il faudrait des yeux pour remonter la vase, pour refouler le temps, pour dire ce qui ne peut se dire, pour dire j’ai posé mon fardeau, je suis seul au monde, écrasé de soleil, posé sur le donjon et je regarde tout d’en haut, d’en haut et je regarde d’en bas, d’en bas, le ciel bleu si bleu, je suis parti à la recherche des oiseaux, j’ai trouvé les oiseaux, j’ai trouvé les taureaux, j’ai trouvé les roseaux, j’ai trouvé les pieds dans l’eau et j’ai chaud et j’ai soif et je dis je suis un roi qui arpente son royaume, la vie avance, je suis content, je suis paisible, mon fardeau est posé, le temps passe, je compte le temps, je compte l’air, l’air est plein d’air, le vent plein de vent, et les oiseaux poussent au vent et les papillons volent d’une branche à l’autre et les oiseaux au bleu de métal se posent et recommencent, la vie est ainsi faite, le vent est chargé, il est charmant ce vent qui souffle, il est chargé de sel et d’eau et tout se sèche, et tout est beau.


Sur les planches sèches, un pied puis un autre, mouillés ont laissé sa trace, il suffoque, il compte les graines aux arbres et les petites lianes en fleur et les branches séchées et les fourmis qui passent, la trace a disparu, l’eau est évaporée.

Le temps est suspendu la mer est immense, la mer n’est pas, l’immense est bien, les oiseaux repassent, ils sont vingt, ils étaient vingt, ils passent, et ils repassent, les arbres secs les pieds dans l’eau sont morts de soif, sans espérance."








Texte de Michel Chalandon :
J'irai vers les oiseaux sauvages. 11 et 12
à lire ICI et ICI

Aucun commentaire: