samedi 27 octobre 2012

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" La vie est tenue porte ouverte, le temps rompu, écheveau sans histoire, sans pied posé, sans sol, sans trappe, sans armes et sans peur, on retient, on hisse, on se trempe, on cherche et on oublie les raisons, les surprises, la pierre sous la racine, le corps écarté sur le champ, on tourne, on divise, on est ému, on tremble, y pensant. 

La suite est une fourbure, on tire, on traîne, on est autorisé, on arrache et on crie, la terre est bien trop lourde, le marcheur est sourd et trop aveugle. 



Enfonçons nous, tirons toujours la corde, le cou est prisonnier, la main est retenue, on se cherche, on se parle, on oublie une fois et une autre : la corde pour tout pendre, le sable pour mieux voir, une poussée, une chaleur sans nom, on est rompu et mourant et candide et abandonné.
 

Au point du jour, au temps compté, aux arbres fleuris, leur soif est bien profonde, les pierres sous les racines seront déposées au chantier, en haut, en bas, dans l’espérance, un caillou plus un autre, une raison voilée, on monte un mur, un mur, un autre, on pose un pied, au loin toujours un horizon, une voix chante et déploie un peu de musique pour les avoines folles, pour les champs à tourner, pour les yeux caressés de soleil, de vie, de désirs et d’épreuves. 


Le compte retenu, le temps passe plus vite, on chante aussi pour un peu d’éternité, pour une croix soulevée cent pas après les autres, la clôture est ouverte, les doigts ont lâché la porte et le montant. 

Sur un pied sous le vent, on chanterait encore, l’orage va venir et si, et si on rentrait et si la bouche se fermait et posait là au devant, sur le mur un baiser simple et fort, les lèvres sur le sable, et merci et pardon pour tout ce qui fut ici attendu, pour ce qui fut perdu, pour ce qui fut sans joies, sans efforts, sans gaieté, sans sourire. 



La nuit est encore douce, le cœur toujours au ruban, la pierre est chaude, encore, le temps toujours compté, il faut encore voir et sentir sous les lèvres le baiser froid, les pierres ont la réponse, le cœur seul à l’éternité parle encore. 

On avance, on vient, on en veut et du silence et de la sagesse, du calme et du sourire et des raisons perdues, on touche, on touche, la limite, un moment après l’autre, un grain de plus, on touche au sablier.


La ferveur, la caresse, l’étreinte et les vagues et les pieds et les doigts, mêlés et accrochés, on tourne du dos vers la face, le temps trop calme harasse de sanglots les cœurs amoureux, on tourne, on vient, on se menace, la vie étrange bat lentement, lentement, on est écartelé au mur de sable, la voix change, avec les pierres entassées on éprouve le calme.


On roule, on roule, et d’un côté de l’autre, du charme d’une saison au froid qui reviendra, les cœurs blessés, la chaleur dans la main, avec la fourbure de l’âme le corps est retenu et bercé et comblé. 

On s’enroule, on se tient, on chante la vie en psaumes, le cœur sous le ruban et frotté de marbres et d’ors, on cherche, on trouve aux flancs, aux yeux, une raison sincère, le cœur est absout, la vie est reconnue, pour les yeux, pour la voix, pour le reste, on dit au passant seul : vous avez deviné, le cœur est au ruban, la voix est chaude et longue, le cœur par tous tenu, pour une saison éveillée. 

On touche, on touche, on tremble et on le sait bien, la chaleur était là, le froid va revenir, on tient, on tire, on tremble, le cou est bien tendu, la main au ruban est posée sur le cœur. "

                                                                                            

Texte de Michel Chalandon : Sur le tard, sans rien d'autre 
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